24 octobre : Saint Antoine-Marie Claret
Le zèle d’un Pasteur pour son troupeau
Dès son plus jeune âge, Antoine montra une profonde inclination religieuse : il était attiré par la prière, éprouvait de la compassion pour ceux qui souffraient et réfléchissait au sens de la vie et au salut éternel. Cette sensibilité se renforça également à cause des conditions difficiles de l’époque : les guerres, l’insécurité et les difficultés familiales forgèrent en lui un esprit fort et déterminé.
À douze ans, il sentit dans son cœur le désir de devenir prêtre, mais le contexte politique et social fit obstacle ses premiers pas. L’école fut fermée et Antoine dut travailler avec son père aux métiers à tisser de la famille. Plus tard, il se rendit à Barcelone pour approfondir sa formation technique dans le domaine textile, où il fit preuve de talent et de rigueur. Toutefois, le désir de réussite l’éloignait peu à peu de la foi simple de son enfance. Ce fut qu’après une série d’expériences traumatisantes — comme la trahison d’un ami, une tentation morale, et le risque concret de mourir noyé — qu’il recommença à réfléchir au sens profond de la vie.
C’est à cette époque que l’Évangile l’ébranla profondément : le passage demandant quel sens il y a à « gagner le monde entier, si c’est au prix de sa propre perte » le conduisit à revoir toutes ses décisions. Il décida alors de tout abandonner et d’emprunter la voie de la vie religieuse. Il commença à étudier à Vic avec l’intention de devenir chartreux, mais des problèmes de santé l’obligèrent à renoncer au projet monastique. Il demeura toutefois au séminaire, où il poursuivit ses études et affronta de dures épreuves spirituelles, surmontées grâce à la prière et à la dévotion envers la Vierge Marie.
Il fut ordonné prêtre en 1835 et commença son ministère dans sa ville natale. Cependant, l’appel à la mission était trop fort pour qu’il reste en paroisse. Il se mit donc à parcourir les villages, annonçant l’Évangile avec simplicité, voyageant à pied, sans accepter d’argent, ne portant avec lui qu’une Bible et un petit baluchon. Son style direct et humble touchait les cœurs et il devint rapidement connu pour ses talents de prédicateur. Il fonda une maison d’édition pour diffuser des textes religieux à prix réduit et réalisa des ouvrages catéchétiques pour les enfants, les jeunes, les familles et les prêtres. Il fut également attentif à la formation religieuse permanente et à la fondation de confréries destinées à soutenir la vie spirituelle des communautés.
En 1849, il fonda la Congrégation des Missionnaires Fils du Cœur Immaculé de Marie, donnant une forme concrète à son esprit apostolique. Quelques mois plus tard, il fut nommé Archevêque de Santiago de Cuba, une terre marquée par de grandes injustices, l’esclavage et une profonde décadence morale. Durant les six années de son ministère épiscopal sur l’île, il visita à plusieurs reprises chaque lieu du diocèse, promut des missions populaires, lutta contre la traite des esclaves, institua des écoles et des œuvres sociales, introduisit des communautés religieuses et fonda un institut féminin avec Mère Antonia Paris. Il subit des persécutions et même un attentat qui faillit lui coûter la vie, mais il ne se laissa jamais décourager.
De retour en Espagne, en 1857, la reine Isabelle II, impressionnée par son charisme spirituel et son autorité morale, voulut qu’Antoine-Marie Claret devienne son confesseur personnel. Cette mission l’obligea à s’installer dans la capitale, où il commença à se rendre régulièrement à la cour pour accompagner spirituellement la souveraine et s’occuper également de la formation religieuse du jeune prince Alphonse et des autres princesses. Malgré l’importance de sa charge, Claret vécut de manière sobre et austère, fidèle à son style pauvre et détaché des biens matériels.
Cependant, la vie de cour ne le satisfaisait ni humainement ni spirituellement. Il sentait que ses forces apostoliques ne pouvaient être enchaînées à la routine du palais. Ainsi, avec le même zèle qu’il avait toujours manifesté, il se consacra également à l’évangélisation dans la ville de Madrid. Il continua à prêcher, à confesser, à visiter les malades dans les hôpitaux et les détenus dans les prisons. Lors des voyages officiels de la famille royale, il profitait de l’occasion pour prêcher partout où il se trouvait, portant l’Évangile dans chaque lieu de l’Espagne.
Dans son engagement pour la culture chrétienne, il fonda et promut l’Académie de Saint-Michel, un projet ambitieux réunissant des artistes, des scientifiques et des penseurs, avec pour objectif d’unir la foi, l’art et le savoir. Son intention était de combattre les idéologies néfastes, de diffuser la vérité et de promouvoir de bonnes lectures capables de former les consciences.
En 1859, il reçut également de la reine la nomination de protecteur de l’église et de l’hôpital de Montserrat, ainsi que celle de président du célèbre monastère de l’Escurial. Dans ce rôle, il fit preuve de capacités organisationnelles extraordinaires : il restaura l’ensemble du complexe, l’enrichit de nouveaux ornements sacrés et le relança comme centre de formation, en instituant une communauté de religieux, un séminaire interdiocésain, un collège pour étudiants et aussi les premiers cours d’une université.
L’un de ses désirs les plus profonds était de voir une Église vivante et renouvelée. C’est pourquoi il s’engagea à promouvoir des Évêques capables et fervents, soutint activement la vie consacrée et prit soin des congrégations qu’il avait fondées — comme les Missionnaires du Cœur Immaculé de Marie et les Missionnaires Clarétaines —, ainsi que de nombreuses autres communautés religieuses qui avaient des difficultés à obtenir leur reconnaissance.
Bien qu’il soit resté à l’écart des dynamiques partisanes, sa position publique et le rôle influent qu’il occupait firent de lui la cible de critiques et d’attaques. Ses choix, toujours guidés par la prudence, ne le protégèrent toutefois pas des soupçons et des médisances. Dans un moment de sincérité, il admit que bien qu’il ait tenté d’éviter tout favoritisme, il fut néanmoins lui-même frappé par les ragots et les calomnies.
Son union profonde avec le Christ atteignit son sommet lors d’une expérience mystique extraordinaire : le 26 août 1861, dans la résidence royale de La Granja à Ségovie, il reçut le don de la conservation des espèces eucharistiques dans son cœur.
Après la révolution de 1868, Claret fut contraint de quitter l’Espagne avec la reine qui avait été déposée. Durant l’exil à Paris, il continua d’exercer son ministère : il accompagna spirituellement la famille royale, promut les Conférences de la Sainte Famille et se dévoua avec zèle aux immigrants espagnols et aux plus démunis.
En 1869, il se rendit à Rome à l’occasion du jubilé sacerdotal du Pape Pie IX et pour participer aux travaux préparatoires du Concile Vatican I. Pendant le Concile, il défendit avec ardeur la doctrine de l’infaillibilité du Pape. Mais sa santé était désormais fragile et il sentait la fin approcher. Ayant quitté Rome, il se retira à Prades, dans le sud de la France, où s’étaient établis plusieurs missionnaires clarétains exilés d’Espagne.
Peu après, il apprit que ses ennemis avaient obtenu un mandat d’arrêt pour le ramener en Espagne et le juger. Pour échapper à cette arrestation, il dut quitter également Prades et se réfugier au monastère cistercien de Fontfroide, près de Narbonne. Dans ce lieu silencieux et retiré, protégé par l’affection des moines et de quelques-uns de ses disciples, il s’éteignit paisiblement le 24 octobre 1870, à l’âge de 62 ans.
En 1897, sa dépouille fut rapatriée à Vic. Il fut béatifié par le Pape Pie XI en 1934 et canonisé par Pie XII en 1950.
